De la nécessité d’une revalorisation de la politique

« Que tout homme soit soumis aux autorités qui exercent le pouvoir ; car il n’y a d’autorité que de Dieu, et celles qui existent sont établies par lui. Ainsi, celui qui s’oppose à l’autorité se rebelle contre l’ordre voulu par Dieu, et les rebelles attireront la condamnation sur eux-mêmes. En effet, les magistrats ne sont pas à craindre quand on fait le bien, mais quand on fait le mal. Veux-tu ne pas avoir à craindre l’autorité ? Fais-le bien et tu recevras ses éloges, car elle est au service de Dieu pour t’inciter au bien. Mais si tu fais le mal, alors crains. Car ce n’est pas en vain qu’elle porte le glaive ; en punissant, elle est au service de Dieu pour manifester sa colère envers le malfaiteur. C’est pourquoi il est nécessaire de se soumettre, non seulement par crainte de la colère, mais encore par motif de conscience. C’est encore la raison pour laquelle vous payez des impôts : ceux qui les perçoivent sont chargés par Dieu de s’appliquer à cet office. Rendez à chacun ce qui lui est dû : l’impôt, les taxes, la crainte, le respect, à chacun ce que vous lui devez » (Romains 13 : 1-7 TOB ; Traduction Œcuménique de la Bible).

L’épître aux Romains est le livre le plus important de tous les écrits de Paul. C’est le plus long, le plus riche théologiquement et le plus structuré. Il a eu une influence considérable pour la foi chrétienne dans l’histoire de l’exégèse et de l’Église. Pour son rôle joué depuis la Réforme protestante au XVIe siècle jusqu’à aujourd’hui, les traducteurs de la TOB avaient commencé leur travail par cette lettre. Paul n’a pas fondé la communauté de Rome à laquelle il adresse sa lettre. Il ne connaît donc pas directement cette Église. Rien n’indique qu’elle ait été fondée par Pierre. Mais cela ne signifie pas que Pierre n’est pas allé à Rome. L’origine de cette Église est inconnue.

Le texte qui nous occupe forme à lui seul une unité littéraire, où Paul mène une réflexion sur le fondement et la vocation politique. Il débute son propos par l’affirmation : tout être humain est invité à se soumettre aux autorités en place. Il exhorte à avoir une conduite responsable à l’égard des autorités, à les reconnaître et à s’y soumettre. Cet enseignement est inconditionnel et concerne tout le monde. Paul s’adresse à un public universel puisqu’il ne fait aucune distinction entre croyants et non-croyants. Le texte grec dit littéralement : « Que toute âme soit subordonnée aux autorités ». Paul justifie son affirmation par le fait que les autorités ont été instituées par Dieu. Ainsi, se rebeller contre les autorités équivaut à se révolter contre Dieu. Les autorités n’ont pas seulement été établies par Dieu, mais encore elles sont là comme servantes de Dieu pour le bien de tous. Garantes de l’ordre public, les autorités sont servantes de Dieu pour le bien public, c’est-à-dire l’intérêt général. Elles ont un rôle positif : contraindre les humains à mener une vie plus juste. L’ordre social et politique a pour fin le bien et, donc, la répression du mal. La soumission aux autorités n’est pas uniquement due à la crainte des autorités ou de la sanction, mais également « par motif de conscience ». C’est pourquoi on paie les impôts. Paul conclut son exhortation par le fait que chacun, sans exception, s’acquitte de ses contributions publiques et respecte qui de droit.

Évidemment, cette idée de Paul de la loyauté envers les gouvernants a fait couler beaucoup d’encre. Elle a fait l’objet de plusieurs controverses importantes dans des contextes différents, par exemple dans les Églises d’Allemagne à la Seconde Guerre mondiale. Pour certains, cette position est conformiste et agaçante. Au lieu de leur opposer une résistance, Paul semble accepter la soumission aux régimes totalitaires. En fait, Paul ne se s’intéresse pas ici aux débats sur la forme de régimes politiques. Il s’oppose aux discours, aux gestes et aux actes qui incitent à l’anarchie. Toutefois, le mot conscience qu’il utilise occupe une place très importante dans sa réflexion. Puisqu’il demande que chacun se soumette aux autorités en exerçant sa conscience, Paul fait appel à la liberté de chacun. Ce qui signifie que la loyauté envers les autorités sera critique : dénoncer le pouvoir totalitaire, protester et résister aux mauvais dirigeants qui manipulent, oppriment, effrayent, séduisent et tuent. Un État, même démocratique, n’est jamais parfait. Et d’ailleurs, Paul soumet l’autorité à un critère extérieur à elle-même, c’est-à-dire le bien, qui correspond à la volonté de Dieu. Le bien est tout ce qui est favorable à l’accomplissement des humains. Dieu est le symbole du bien et en est la source.

La politique est discréditée dans notre pays pour différentes raisons, bonnes ou mauvaises. La défendre est actuellement nécessaire. Aucune société aujourd’hui ne peut fonctionner correctement sans autorités. C’est pourquoi l’État est appelé à ne pas s’écarter de sa mission. Il en est de même de son administration.

Pasteur Lendo MAKUNGA de l’Église protestante unie du Kremlin-Bicêtre

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