La Paracha de cette semaine raconte la rébellion menée par Kora’h, cousin de Moïse et Aaron, riche dirigeant des Lévites, soutenu par plus de 250 leaders respectés de la communauté, contre le leadership de Moise et Aaron.Ce soulèvement se termine tragiquement et tous les protagonistes périssent suite à une intervention divine, engloutis par la terre, consumés par le feu, ou encore de la peste.
Or la critique principale de Kora’h à l’encontre de Moïse et Aaron concernait la trop grande concentration du leadership politique et religieux entre quelques mains. Il réclamait une part plus importante pour le peuple. On peut éprouver un malaise à la lecture de cette histoire qui semble justifier l’usage d’une répression brutale pour museler la liberté d’expression. Plusieurs commentateurs bibliques se sont penchés sur ce texte, soulignant les problèmes qu’il soulève. Au travers de leurs argumentations on peut distinguer trois interprétations distinctes :
la première rejette le libéralisme et maintient que la critique du leadership, si elle est recevable dans un gouvernement humain est hors de propos dans une société théocratique comme celle des hébreux. Selon cette approche, l’autorité d’Aaron ne pouvait être remise en question car elle était issue sans contestation possible d’un mandat divin. Cette approche n’est pas généralisable : bien des situations similaires se sont présentées au cours de l’histoire où des dirigeants se réclamant de droit divin, ont abusé de leur position en imposant leur loi.
La deuxième interprétation, la plus populaire, rejette la rébellion menée par Kora’h, non sur la base de ses arguments dont le bien-fondé est reconnu, mais sur la base de sa personnalité, le présentant comme assoiffé de pouvoir, plus préoccupé de diriger le peuple que de lui conférer des droits, et ce en dépit de sa capacité à rallier à sa cause un nombre important de notables. Cette approche est fréquente de nos jours en politique. Elle consiste à éviter de répondre aux critiques fondées de ses adversaires en détruisant l’image et la crédibilité de celui qui les porte. Elle permet pas de résoudre les problèmes posés.
La troisième approche implique une lecture subversive du texte et c’est peut-être là sa principale faiblesse. Selon cette approche, les revendications de Kora’h étaient justifiées et elles ont en fait été progressivement prises en compte, de sorte qu’on les retrouve dans des sections importantes de la halakha (Loi juive) ou l’on observe une réduction de la distance entre les prêtres et le peuple. Cette thèse a été soutenue à notre époque par Aviah Ha-Cohen s’appuyant sur un commentaire du rabbin Tsadok ha-Cohen de Lublin. Un des
arguments avancé pour la soutenir est que la Torah n’est pas claire quant au sort de Kora’h. A-t-il été englouti, a-t-il péri par le feu, a-t-il survécu? Le texte ne le dit pas et les opinions diffèrent à ce sujet. Quoi qu’il en soit, une lecture du texte qui trouve un sens positif aux arguments de Kora’h permet de réconcilier partiellement le récit biblique avec les valeurs de justice et de liberté de pensée qui sont chères à notre époque
d’après Dr. Ronen Ahituv, Jordan Valley College and Western Galilee College