Vous avez été nombreux à nous rejoindre lors de la soirée débat organisée par l’AIVB le 24 novembre 2016 sur le thème de la fraternité
Trois questions vous avaient été soumises:
- Comment concevez vous et vivez vous la fraternité à l’intérieur de votre communauté religieuse? (obstacles, facteurs favorisants)
- comment votre conception de la fraternité affecte-elle votre relation avec autrui au quotidien ?
- Comment comprenez vous la fraternité, troisième pilier de la devise de la république? (la fraternité va-t-elle au delà de la solidarité?)
Voici ci-dessous une synthèse des retours des groupes de discussion:
Attention: Le texte ci dessous tente de proposer une synthèse des opinions exprimées. Ces opinions peuvent etre discutables ou même se révéler erronées. Elles ne sont proposées ici que comme une incitation à la réflexion.
De manière générale la fraternité fait référence au lien de parenté existant entre frères. Ce lien de fratrie (fraternité de sang) ne préjuge en rien de la qualité de la relation existant entre ceux qu’elle lie. On est frère parce qu’on a un même père : situation non négociable. Pourtant le lien de sang peut créer des sentiments très forts entre les individus qu’il unit. Par extension, on parle de fraternité (de cœur) pour designer la proximité de sentiments qui s’établit au sein d’une famille ou d’un groupe.
Question 1 et 2:Comment concevez vous et vivez vous la fraternité à l’intérieur de votre communauté religieuse? (obstacles, facteurs favorisants). Comment cette conception affecte-t-elle votre relation avec autrui au quotidien
A l’intérieur du groupe religieux Le concept de fraternité se distingue déjà en partie de celui de solidarité : La fraternité englobe la notion de frère, chaque frère étant un « enfant de Dieu.
Mais qui peut être enfant de Dieu ? La réponse chrétienne est double :
- Au sens étroit (st Paul) : Est enfant de Dieu celui qui a reçu le baptême.
- Au sens large (St jean) : Est enfant de Dieu Quiconque est capable d’aimer, car Dieu est Amour. Cette définition place donc le cadre fraternel au-delà de la communauté religieuse.
Se reconnaître frères, c’est accepter de grandir ensemble… y compris de faire des erreurs ensemble… C’est donc entrevoir la nécessité du pardon ! Pas de fraternité sans pardon !
Au sein des communautés musulmanes la fraternité se matérialise par une solidarité financière entre les membres de la communauté: Zakat (l’aumône légale) constitue le 3eme pilier de l’Islam. Ce devoir se rapproche du concept de tsedaka (justice, souvent confondu avec la charité) qui prescrit aux juifs des obligations proches. La tsedaka est avec le repentir et la prière l’un des trois actes permettant le pardon de ses fautes.
Ce sont donc ses devoirs qui chez le croyant modèlent ses rapports avec ceux qui ne font pas partie de sa sphère religieuse
La fraternité est plus une question de foi que de pratique religieuse :
- La foi implique une ouverture sur le monde ; on n’a plus peur de parler a l’Autre. Or c’est bien souvent la reconnaissance de l’Autre qui pose un obstacle à la fraternité. Sa recherche implique d’accepter sa différence avec celui ci
- C’est aussi la foi qui souvent donne la force de faire le travail nécessaire pour concrétiser cette fraternité, afin qu’elle se traduise par des actes.
La fraternité, c’est en fait un objectif, un but ultime qui n’est que rarement atteint, parce que l’attitude fraternelle trouve presque toujours ses limites. La fraternité reste alors une fraternité en devenir, un idéal inaccessible (La prochaine fois je ferai mieux ).
D’ailleurs il n’est pas rare que l’on se plaigne du manque de fraternité au sein des communautés paroissiales : on se sert les mains avec effusion durant la célébration, puis, le portail de l’église franchi, on referme la herse et on s’en va les yeux baissés sans se préoccuper du voisin !
Question 2:Comment comprenez-vous la fraternité, troisième pilier de la devise de la république? (la fraternité va-t-elle au-delà de la solidarité?)
Dans la république la notion de fraternité n’est pas intuitive. Il faut poser des jalons pour la matérialiser, et bien souvent, on a l’impression qu’elle est synonyme de solidarité. (Envers ceux qui sont dans le besoin)
Or, La fraternité se situe dans le rapport à l’Autre. L’acte fraternel va bien au-delà d’une simple aide financière ou autre assistance matérielle ; Dans ce sens, il va donc au-delà de l’acte solidaire. On parlera donc plutôt de fraternité pour désigner le sentiment unissant des compagnons de misère. Notons aussi que l’on n’invoque vraiment la solidarité que dans le malheur alors que la fraternité intègre aussi les grands moments de bonheur et entretient la joie !
La conception du judaïsme du rapport à l’autre, marqué par la notion de responsabilité de son prochain semble aussi aller dans ce sens. Cette responsabilité, sans limite clairement posée s’oppose au caractère borné, ciblé, des actions de solidarité, impliquant un engagement habituellement limité. En ce sens, on a pu évoquer un « délit de solidarité » ! Cela aussi indique que le cadre de l’action fraternelle est plus large que celui de l’action solidaire. On ne peut concevoir un « délit de fraternité » !
Alors finalement comment doit-on interpréter le sens de cette fraternité, troisième pilier de la devise républicaine? Peut-elle d’une quelconque manière se concevoir comme la fraternité chrétienne mêlant l’humain et le religieux? Est-ce plutôt la fraternité de résistance, de préférence nationale, dans une société directement affectée par les évènements du monde? Ou n’est ce tout simplement qu’une solidarité aux moyens limités et essentiellement financière envers les plus démunis ?